
En 2019, la France comptait 4,5 millions d'enfants de moins de 6 ans, dont 2,2 millions de moins de 3 ans (source Insee).
Au cours des dernières années, la qualité de l’air intérieur dans les crèches et les écoles a fait l’objet d’une attention particulière grandissante de la part des Pouvoirs Publics car l’école et les lieux d’accueil d’enfants (crèches, garderies) sont, après le logement, les environnements les plus fréquentés par les enfants qui représentent l’un des publics les plus sensibles à la pollution atmosphérique.
Depuis le 01 janvier 2018, les crèches et les écoles primaires sont tenues de respecter certaines obligations règlementaires en application de la loi concernant la surveillance de qualité de l’air intérieur dans les lieux recevant du public (Articles L.120-1, L. 221-8 et R. 221-30 et suivants du code de l'environnement - Décret n° 2015-1926 du 30 décembre 2015).
De quoi s’agit-il ?
« Cette surveillance doit être mise en œuvre tous les 7 ans par le propriétaire ou l’exploitant de l’établissement et comporte :
- d’une part, l’évaluation obligatoire des moyens d’aération de l’établissement ;
- et, d’autre part, la mesure des polluants réglementés que sont le formaldéhyde, le benzène, le dioxyde de carbone et dans certains cas le tétrachloroéthylène (ou percholoréthylène) sous deux formes possibles :
soit la réalisation de campagnes de mesures des polluants par des organismes accrédités selon le référentiel LAB REF 303.
soit la mise en œuvre d’un plan d’actions de prévention. Il est mis en place à la suite d’une évaluation portant sur les sources d’émissions potentielles et les systèmes de ventilation et moyens d’aération en place »
(source https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/QAI_guide_pratique_2019.pdf)
Que sait-on de la pollution de l’air intérieur dans les écoles et crèches ?
Les sources principales
Outre la qualité de l'air extérieur et le taux de CO² (dont le taux dépend de la densité de la population à un endroit donné), elle provient de nombreuses sources dont :

- le mobilier
- les revêtements des sols
- les jouets
- les activités manuelles (colles, peintures)
- les produits d'entretien
qui combinées à une température trop élevée, et un taux d’humidité trop bas (<40%) favorisent la prolifération d’agents pathogènes.
Impact de la localisation
C’est un élément essentiel, et il n’est pas facile d’adresser à la fois des problématiques de localisation pour répondre aux besoins des familles avec les enjeux de développement économiques.
A Marseille, une étude de 2019 réalisée par l’ONG GREEN PEACE établissait que
1 crèche/ école sur 2 se trouve à moins de 200 mètres d’une zone polluée (qui dépasse le niveau légal)
1 crèche/école sur 5 se situe à moins de 50 mètres d’une zone polluée
A Paris, l’association RESPIRE en 2019 indiquait dans son rapport que
1 établissement sur 4 est à moins de 200 mètres d’une zone polluée.
100% des crèches et écoles dépassent le seuil recommandé des particules fines par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé)
Etat des lieux des systèmes de ventilation existants
On trouve trois types principaux de systèmes actuellement en place :
- La Ventilation Naturelle
- La Ventilation Mécanique Contrôlée (VMC) simple flux
- La Ventilation Mécanique Contrôlée (VMC) double flux
En France, près de la moitié des crèches possède un système de ventilation mécanique contrôlée dans les salles d’activité (49 %) ou dans les dortoirs (41 %), plutôt à simple flux (plus de 60 %) qu’à double flux (moins de 20 %).
En revanche, la majorité des écoles (maternelles et élémentaires) ne possède pas de système spécifique de ventilation et seules 15 % déclarent disposer d’un système de ventilation (plutôt à simple flux) dans des salles de classes.
Et lorsque des systèmes de ventilation existent, il convient de s’assurer du respect des débits de ventilation.
Le débit de l’air en question
Le règlement sanitaire départemental impose des débits en m3/h/occupant en fonction des locaux :
- 15m3/h/occupant dans les écoles maternelles et primaires,
- 18 m3 /h/occupant dans les bureaux
- 22m3/h/occupant dans les locaux de restauration (art 64 règlement sanitaire du code de la Santé).
Or, dans son ouvrage "Bâtir pour la santé des enfants", le Docteur Déoux explique que les débits réglementaires sont inadaptés aux enfants de moins de cinq ans, car proportionnellement à sa masse, l’enfant inhale une quantité d’air deux fois supérieure à celle de l’adulte. Ce qui impacte ses capacités d’apprentissage et de concentration.
Les études européennes et anglo-saxonnes (Smedje et Norkack de 2001, Myhrvold, P. Wargocki) confirment la relation entre renouvellement d’air et aptitudes cognitives et vont jusqu’à indiquer qu’un débit de 29m3/h/personne dans les écoles serait plus adapté.
Aller plus loin…
On nous dit que la qualité de l’air est un sujet de santé public en France et pourtant il n’y a que peu de contraintes imposées concernant la qualité de l’air intérieur dans les espaces accueillant du public sensible dont les écoles et les crèches :
1 évaluation tous les 7 ans, pas de surveillance continue obligatoire entre 2 évaluations.
Les choses commencent à bouger en ce qui concerne les normes, puisque les euro- députés ont demandé l’alignement des normes européennes de la pollution de l’air sur celles de l’OMS (organisation mondiale de la Santé) le 7 Avril 2021 !
Et heureusement, un nombre croissant de professionnels du bâtiment ont déjà réalisé que les débits réglementaires de ventilation étaient trop faibles et les augmentent sur les nouveaux projets touchant les établissements scolaires.
De plus, des initiatives politiques voient le jour. Ainsi l’été dernier, la région Auvergne – Rhône-Alpes a voté des financements d’urgence de 5 millions d’euros pour l’assainissement de l’air des réfectoires de 250 établissements scolaires. Cela va dans le bon sens même si ces initiatives restent encore trop peu nombreuses et se font en ordre dispersé.
Pour Isabella Annesi-Maesano (*), épidémiologiste « Il faut que l’air intérieur soit considéré comme un bien public" (Le Monde 7 Avril 2021).
Soyons audacieux et pragmatiques ! Occupons nous enfin de l’air intérieur et donnons-nous les moyens de le faire.
Isabelle MAUGARD & Anne ROLLAND
(*) Isabella Annesi-Maesano
Directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médical (Inserm), directrice adjointe de l’Institut Desbrest d’épidémiologie et santé publique, Inserm-université de Montpellier
(1) à l’origine de plus de 48.000 décès prématurés suite à une exposition aux particules fines PM2,5, avec un coût sanitaire de plus de 19 milliards d’euros selon l’Agence Santé Public France 2019